Michel Corand  » L’appel des Cimes « 

Notre ami Michel Corand,membre de l’Arpad,vient de publier un nouveau livre »L’appel des Cimes et des six jours de Vars » Ce livre est une véritable ode à l’amour pour sa femme Gilette,tragiquement disparue en octobre dernier après une chute survenue lors d’une randonnée cycliste avec son club. Ce témoignage émouvant rappelle leur passion commune pour le cyclisme à travers leurs périples autour du monde.

L’AMOUR NE MEURT JAMAIS

« La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Etre un homme et le demeurer toujours, quelles que soient les circonstances ». Ces lignes du grand écrivain russe Dostoïewski, dans ses
« Lettres de Sibérie », renvoient avec émotion vers la propre vie de Michel Corand. Celle-ci, malgré les obstacles et les douleurs, fut belle. La passion partagée avec Gilette, véritable fil rouge de ce beau livre témoignage, évoquée avec une profonde affection par leur petite fille Marianne dans l’ouverture de « L’Appel des Cîmes », rappelle que l’amour ne meurt jamais. Pour Michel, cette quête incessante vers les horizons de la haute montagne fut certainement une forme de catharsis. On ne guérit jamais de son enfance. Celle de Michel, broyée par la guerre, le laissa seul au monde dans un Paris meurtri par le joug nazi.

C’est le vélo qui lui apporta les premières lueurs d’espérance à travers les mythiques reportages radio sur les Tours de France de l’après-guerre où les héros s’appelaient Coppi, Bobet, Bartali, Koblet, Robic. Le retour à ses amours cyclistes n’intervint qu’à l’aube de ses trente cinq ans, lors de son arrivée à Limoges comme fonctionnaire de police. Entre temps, la rencontre avec Gilette avait changé son destin. Dès lors, ce binôme talentueux allait partir à la conquête des sommets, au propre et au figuré. Après quelques timides compétitions sur route, Michel et Gilette gagnèrent d’autres espaces en participant à l’avènement des épreuves cyclo-sportives à travers l’hexagone. Poursuivant l’aventure sur les grandes randonnées cyclo-touristes, le couple découvrait le monde en véritables globe-trotters des temps modernes.

A la manière de l’historien Fernand Braudel et du photographe Arthus Bertrand, Michel et Gilette nous rappellent le lien qui unit l’homme et la nature depuis la nuit des temps. Leurs grands voyages autour de la terre nous émerveillent mais nous interpellent aussi sur la fragilité des civilisations et la responsabilité envers les générations futures. Les pages déroulent souvent des mondes presque irréels. Des hauts plateaux de l’Altiplano en Bolivie aux sables brûlants du désert Wadi-Rum en Jordanie où flotte la légende de Lawrence d’Arabie, la geste cycliste est baignée d’enchantement. Et que dire du mythique périple de Michel traversant le Tibet à partir de Lhassa pour rejoindre Katmandou au Népal ! Du Potala, palais du Dalaï-Lama, où flottent les moulins et drapeaux de prières, jusqu’au pied de l’Everest, la piste de l’Himalaya sur des chemins accrochés au ciel offre des rendez-vous avec l’éternel.

De nombreux chapitres font également la part belle aux expéditions sur le territoire national. Le tour du Mercantour, le Roc d’Azur, le tour du Mont-Blanc et le Morvan permettent d’élargir le champ des souvenirs. Pourtant, depuis 2010, leur challenge les conduit vers le massif des Alpes et les 6 jours de Vars resteront le rendez-vous du bonheur. Les images reviennent en boucle. Défier des circuits de légende au cœur de la haute montagne où s’est écrite l’épopée dans le sillage des Coppi, Bartali, Bobet, Koblet et Robic qui enchantèrent leur enfance, admirer le vol d’un rapace sur fond d’azur, écouter le cri perçant de la marmotte, contempler un bouquetin protégeant sa horde, et aussi et surtout, découvrir au détour d’un lacet, un magnifique bouquet d’edelweiss, la fleur de la pureté et de l’amour. Sur cet Eldorado, il y a comme un parfum d’éternité qui vous envahit.

Dans d’autres chapitres, Michel revient sur des problématiques toujours actuelles, la prévention et la sécurité des usagers de la petite reine, en soulignant la nécessité de réaliser des aménagements structurants sur le réseau routier. Il évoque aussi sans ambages la question du dopage et l’éthique des compétiteurs en s’élevant avec force contre les dérives de l’argent fou des marchands du Temple.

J’ai souvent eu le bonheur de croiser la route de Gilette. De l’inauguration du circuit Poulidor autour du lac de Vassivière, à la randonnée de la mémoire Dachau-Oradour-sur-Glane dans laquelle elle s’était pleinement investie, le compagnonnage était riche et empreint d’humanisme. Cette femme était un soleil. Gilette est partie tragiquement dans les premiers frimas de l’automne mais elle restera toujours dans nos cœurs. Michel a rappelé tout au long de ces lignes que l’amour est plus fort que la mort.

En ces instants, je songe au poème d’Eluard, « Je l’ai dit pour les nuages, je l’ai dit pour tes pensées, pour tes paroles, toute caresse, toute parole, se survivent et deviennent pour l’oeil, visage et paysage ».

Claude LOUIS
président de l’association des Amis de Raymond Poulidor et d’André Dufraisse

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